Chat du 11/03/2019

Elle sentit venir la crise, de très loin, comme lorsqu’elle dormait, par erreur ou nécessité, dans une maison où un chat demeurait. À peine eut-elle éteint la lampe de chevet et se fut-elle allongée qu'un léger remuement de coton dans ses bronches l'avertit. Elle redressa les trois oreillers entassés pour surélever son buste et s'efforça de respirer longuement et tranquillement, dans le vain espoir de se calmer. Pas encore, se dit-elle, pas ce soir ! Elle aurait dû être apaisée: la journée s'était agréablement déroulée, pas d'ennuis au boulot, une soirée télé devant un film quelconque, puis ils avaient fait l'amour et la chambre vibrait de l'ombre de leurs cris. Elle aurait voulu profiter du calme profond de la maison, à peine troublé par le souvenir des mots et des caresses. En elle, le brouillard s'épaissit un peu. Elle perçut le léger chuintement qui marquait sa difficulté à inspirer.

Elle se sourit dans le miroir. Elle avait bien fait de teindre ses cheveux en roux: cela mettait en valeur ses yeux verts, des yeux de chat. Elle crut entendre un miaulement diffus, comme sorti de sa gorge. La brume s’épaissit encore. Elle ne souffrit plus jamais d'asthme.

Pascal Tresson (Inédit)